La fin d’année 2018 a été marquée par les revendications des gilets jaunes relatives notamment au rétablissement de l’ISF dans sa forme historique. Pour rappel, l’ISF a été abandonné – dès le 1erjanvier 2018 – au profit de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) qui est recentré sur les actifs immobiliers.
Ces revendications impressionnantes ont marqué les 15 dernières semaines mais n’ont – pour autant – convaincu ni le gouvernement ni les députés français qui demeurent inflexibles.
Le retour des recettes fiscales liées au rétablissement de l’ISF n’est pas décidé.
Pour autant, l’année 2019 est empreinte d’un petit bouleversement quant à la collecte des deniers publics – auprès des personnes physiques – par la mise en place du prélèvement à la source (PAS).
Cette réforme structurelle nécessite des paramétrages pratiques afin d’éviter que sa réalisation contraigne trop lourdement les ménages de France. Au titre de ces paramétrages se trouve notamment l’articulation entre le PAS et les actions ouvrant droit à réductions ou crédits d’impôt.
La difficulté tient au fait que le taux appliqué pour le PAS 2019 est calculé à partir des revenus n-2 – mais sans tenir compte des réductions ou crédit d’impôts.
Pour éviter de fracturer le pouvoir d’achat des contribuables français, ces derniers bénéficieront d’un acompte de 60% de certaines réductions et crédits d’impôt afférents aux dépenses engagées en 2017.
Parmi ces dépenses, il convient de retenir celles liées à l’emploi d’un salarié à domicile, à la famille (garde d’enfants de moins de 6 ans), à la dépendance (EHPAD) ou à l’investissement locatif (Pinel, Duflot…).
Au-delà de cette modification de l’agenda du Trésor Public, la fin de l’année fut également l’occasion de voter la loi de finances de l’année à venir et de définir le budget de l’État.
La loi de finances pour 2019 a été validée par le Conseil Constitutionnel le 28 décembre 2018 et est entrée en vigueur le 31 décembre 2018. Parmi les nouveautés qui concernent les particuliers, on retiendra les suivantes :
Le dispositif Dutreil-transmission a été assoupli et simplifié
- Les seuils de détention de droits financiers ont été abaissés, d’une part, à 10% des droits financiers et 20% des droits de vote pour les sociétés cotées et, d’autre part, à 17% des droits financiers et 34% des droits de vote pour les sociétés non cotées.
- L’exonération a été maintenue en cas de cession ou donation de titres entre les signataires du pacte.
- L’obligation de fournir une attestation annuelle a été remplacée par une obligation de réponse à l’administration fiscale
Le dispositif d’Exit Tax a été aménagé
- Le délai de dégrèvement est réduit à 2 ans pour les contribuables dont la valeur des titres est inférieure à 2,5 M€ et à 5 ans au-delà.
- Désormais, le sursis de paiement sera applicable, sans constitution de garanties, à tous les cas de transfert du domicile fiscal vers un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance administrative.
Le dispositif d’apport-cession a été modifié
- Le seuil de réinvestissement est porté à 60% du produit de la cession contre 50% auparavant.
- Le champ de réinvestissement est élargi sous conditions aux FCPR.
Le champ d’application du prélèvement forfaitaire unique (PFU) est élargi, d’une part, aux gains matérialisés lors de retraits de PEA de moins de 5 ans et, d’autre part, aux gains de cessions occasionnelles de bitcoins et autres actifs numériques, sans option possible pour l’impôt sur le revenu.
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L’administration semble avoir, par ailleurs, obtenu la mise à disposition d’un outil qu’elle réclamait depuis de nombreuses années.
La loi de finances pour 2019 instaure un nouvel article L64 A du LPF qui a modifié la procédure de l’abus de droit fiscal. Cette modification sera applicable aux rectifications notifiées à compter du 1erjanvier 2021 relatives aux actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020.
Cet article remplace le but « exclusivement fiscal » par le but « principalement fiscal ».
Ainsi, l’abus de droit « acte fictif » s’efface au profit de la simple « considération fiscale ».
Cette réforme a de quoi inquiéter les professionnels de la matière tant l’administration s’est plongée depuis des années dans une lutte effrénée contre la mise en place de schémas fiscaux favorables qu’elle n’hésite pas à stigmatiser.
La méfiance de l’administration, pour qui toute optimisation fiscale est nécessairement abusive, pourrait se traduire par la remise en cause de mécanismes dont la nature même est la maîtrise de la fiscalité.
Les professionnels s’inquiètent du regard qui sera prochainement celui de l’administration concernant le démembrement de propriété, le PEA, l’assurance-vie, le Pacte Dutreil ou encore l’apport-cession.
Une remise en cause de ces mécanismes pourrait – paradoxalement – se traduire par une utilisation abusive de la procédure d’abus de droit…
Seuls les contrôles qui débuteront à compter du 1er janvier 2021 apporteront les réponses quant à l’utilisation que l’administration fera de son nouveau jouet.
Dans l’attente de ces contrôles, il convient d’espérer que ce nouvel article ne soit pas à l’origine d’une insécurité juridique dont seule l’administration pourrait avoir le contrôle…
Avocat au barreau de Paris